mercredi 24 juin 2009

Qu'est-ce que vivre en bouddhiste ? Sans véhiculer une attitude sectaire ? En ayant une authentique mission bouddhique ?

Car ce n'est pas exclusivement :
— faire gongyo et daimoku seul ou avec d'autres pratiquants,
— participer à des activités prévues et organisées par la soka gakkai en France ou ailleurs,
— lire la littérature publiée par la soka gakkai et ses partenaires,
— parler du bouddhisme à des amis ou à des connaissances,
— expliquer à des gens comment réciter daimoku ou gongyo,
— réfléchir et étudier la doctrine de Nichiren en lisant ses lettres et ses traités ainsi que la littérature annexe.

Mises bout à bout, toutes ces actions ne sont forment pas la réponse à la question : qu'est-ce que pratiquer concrètement le bouddhisme. Prises d'un point de vue formel, toutes ces actions correspondent au mieux à l'appartenance à un mouvement religieux d'initiés, au pire l'appartenance à une secte.

Si l'on prend ces actions comme la conduite d'une vie de bouddhiste, comment s'insèrent-elles dans le reste des activités d'un individu : vie familiale, vie amoureuse, vie de couple, vie professionnelle, citoyenneté, vie de quartier... Car dans la plupart des cas, les autres ne font pas gongyo et daimoku, ne participent pas à des activités de la soka gakkai, ne lisent pas la littérature de la soka gakkai, ne parlent pas du bouddhisme sauf pour parler du Dalaï Lama ou de Mathieu Ricard, et ne savent rien des principes liturgiques ni doctrinaux du bouddhisme de Nichiren. Donc Toutes ces actions ne définissent pas une vie de bouddhiste.

Enfin, toutes ces actions se déroulent au contact d'un cercle assez restreint de membres de sa famille, d'amis et de connaissances bien inférieur au nombre de gens que nous connaissons ou croisons au cours d'une même journée, d'un mois, de toute une vie. Nous pouvons donc dire que la mission du bouddhiste ne se déroule pas seulement devant ce public averti ou indulgent qui forme notre cercle le plus proche.

Alors qu'est-ce que pratiquer concrètement le bouddhisme ? Et surtout celui de Nichiren.

Je pourrais commencer par dire qu'il ne s'agit que de mon expérience personnelle et qu'il n'existe pas de cadre général. Mais c'est faux et surtout cela laisserais entendre que le bouddhisme est une sorte de vague fourre-tout spirituel, genre auberge espagnol (terme à la mode), dans lequel chacun y retrouvera ses petits... Et bien non, le bouddhisme est une discipline rigoureuse mais pas rigoriste, très élaborée mais sans être chiante, ouverte à tous et non à une élite monastique ou intellectuelle.

La réponse à la question est : c'est être un bouddha.

Merde ! C'est pas rien ça ! Mais ce n'est pas non plus d'une complexité folle comme l'atteste l'une des lettres les plus connues et les plus lues de Nichiren, L'Atteinte de la boddhéité (jap. Issho Jobustu Sho).

Et oui, vivre en bouddhiste, c'est vivre en bouddha. C'est être reconnu immédiatement comme un individu qui cherche à soulager la souffrance des autres, à élucider les obstacles en démontrant leurs caractères transitoires et illusoires, à permettre à chacun de vivre en bonne intelligence avec les autres sans compromis ni regrets. Ce qui signifie que l'on vive de cette manière à chaque instant de sa vie (c'est pas simple), que l'on ne cède pas à l'inertie, que l'on soit mobilisé constamment dans la direction d'une compréhension complète et satisfaisante du moment présent et que l'on soit capable de voir les bénéfices de l'avenir, créant ainsi l'espoir à chaque nouvelle étape de sa propre vie comme celle des autres.

Contrairement à la croyance commune, il ne s'agit pas là de vivre comme un illuminé, en transe ou en état de béatitude, inaccessible et absent de ce monde. Cette démarche est quotidienne. Elle se déroule dans la vie de tous les jours, sur le lieu de travail, à son domicile, dans les transports en commun, dans sa voiture, au cours d'un dîner, pendant une séance chez le kiné, dans la queue à la Poste ou en faisant ses courses au supermarché. A chaque instant, il est possible d'être celui ou celle vers qui naturellement les gens se tournent, auprès de qui on demande des renseignements, un conseil, à qui l'on sourit facilement et dont le regard ne suscite ni haine, ni jalousie. A chaque instant, la vie du bouddha est dévouée à ce que l'harmonie se perpétue, que l'équilibre se fasse, par des gestes simples et des mots qui font mouche, de sorte que les gens autour de soi reconnaissent immédiatement et sans besoin de savoir particulier qu'il ou elle est en face d'un individu éveillé.

L'éveil est à la fois un exercice permanent nécessitant une mobilisation persistante de notre esprit et de notre intelligence, et c'est en même temps une attitude évidente dans laquelle nous n'avons pas de peine à penser, dire et faire exactement ce qui convient au moment qu'il convient de le penser, de le dire et de le faire. Tout se passe comme si nous avions une complicité intime (et presque amoureuse) avec le monde, avec les autres, avec l'univers. Tout le monde a ressenti cela au moins une fois dans sa vie. Cette sensation était l'éveil. Souvent elle était spontanée et inattendue, incontrôlée. Mais parce que l'état d'éveil, le dixième état décrit par le bouddhisme, n'est pas sujet au contrôle. Daisaku Ikeda emprunte à Henri Bergson une phrase qui caractérise parfaitement cet état : « l'harmonie n'exerce pas de contrôle. » Il est donc important de faire appel à sa mémoire et de retrouver cette sensation, ce moment extraordinaire et pourtant simple et banal, où nous avons ressenti l'éveil. Il s'agira ensuite de s'entraîner à laisser s'échapper le contrôle pour s'ouvrir à une autre manière d'envisager le monde : celui du bouddha.

Voilà ce qu'enseigne en termes simples et en mécanismes évidents tous les bouddhas. C'est ce que dit Shakyamuni à ses disciples vétérans dans le Sûtra du Lotus : le dharma est une fleur. Quoi de plus banal, de plus trivial, de plus simpliste au point qu'une partie de ses disciples est incapable de croire que ce soit si évident. C'est aussi ce que Nichiren remet au goût du jour après deux millénaires de dérives monastiques : ce que l'on nomme boddhéité (éveil) n'est rien d'extraordinaire. Et à son tour, ses contemporains ne cesseront de le persécuter pour avoir démontrer la chose.

Etre bouddha, voilà la destination. L'éveil est l'objectif du bouddhiste. Et cette destination dépasse le cadre strict de la liturgie, de la doctrine et de l'Eglise (fusse-t-elle une Sangha). Et lorsque Daisaku Ikeda encourage ses disciples à être des personnalités de premier plan, il ne leur dit pas devenez célèbres ou ayez votre bobine dans Voici ou Gala ou Match...! Non. Il parle d'être bouddha et donc d'être une personne de premier plan au sein du public qui est le vôtre, c'est-à-dire tous les gens que vous rencontrez dans votre vie... Pas seulement le cercle de vos intimes.

Donc, mesdames et messieurs, bouclez vos ceintures, redressez le dossier de vos fauteuils et préparez vous pour l'atterrissage car nous arrivons sur la terre de bouddha sur laquelle ne résident, sans aucun doute possible, que des bouddhas. Certains sont éveillés à leur nature, d'autres ont encore des efforts à fournir...